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Alexandre et Nolwenn autour du monde
5 avril 2019

(4/4) Derniers jours de Henro entre épuisement, émerveillement et accomplissement

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Article sur l'organisation de notre pèlerinage ici, article Shikoku (1/4) ici, Shikoku (2/4) ici & Shikoku (3/4) ici
33ème jour
En redescendant vers la côte nous avons retrouvé le beau temps et une température plus clémente.

DSC05859Sanctuaire d'Inari sur le flanc de la montagne du temple 60

DSC05879Vue sur la mer intérieure de Seto

DSC05889Le temple 61, Koonji, sort du lot par son design

DSC05897Le temple 64, Maegamiji, nous trouverons refuge dans une hutte à coté avec un bain public à quelques centaines de mètres. Nous étions heureux de ces trouvailles

DSC05904Bassin de résurgence de l'eau de source d'Uchinuki en pleine ville

Mais le répit aura été de courte durée et nous revoilà à nouveau en train de marcher sous la pluie. Sur ces bords de route qui constituent peut être les 3/4 du pèlerinage, nous venons de nous faire doucher par le passage d'un camion et nous cherchons sans succès l'abri indiqué par la carte. Au détour d'un nouveau virage, nous apercevons au coin d'une maison une petite dame immobile avec un parapluie. A mesure que nous avançons, il devient évident que c'est nous qu'elle attend. Aussitôt les salutations échangées, elle nous présente à chacun une tasse de chocolat chaud et une poignée d'amandes grillées encore tièdes. Comment nous a-t-elle vus arriver ? La route serpente à cet endroit et il paraît impossible qu'elle nous ait aperçus d'aussi loin sous la pluie ; et pourtant le chocolat et les amandes ne se sont pas préparés tout seuls à l'avance. Cette rencontre inexplicable qui survient au moment où nous en avions le plus besoin nous laisse sans voix. C'est comme si nous avions senti la main de Kōbō Daishi lui-même se poser sur notre épaule pour nous réconforter. Nous avons tout oublié du visage de cette femme, seul subsiste dans nos souvenirs le bruit de la pluie sur la route et l'odeur de ces délicieuses amandes grillées, mais cet instant restera gravé en nous pour toujours.

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Peu de temps après, nous trouvons l'abri de Kumadani Jizoson qui est un des meilleurs de tout le pèlerinage. A l'intérieur, des fauteuils, des fruits, des gâteaux et un mur constellé d'osamefuda. Il est même possible de dormir dans la pièce attenante qui contient des futons et il y a des toilettes au RDC. Nous n'y ferons qu'une brève étape car notre objectif du jour se situe plus loin, nous camperons en face du 12ème bekkaku (temples secondaires du pèlerinage), près des restes du tronc d'un pin millénaire contemporain de Kūkai, Izari Matsu. Nous étions très heureux de trouver une hutte spacieuse, près du temple, du pin et des toilettes publiques à deux pas. Nous nous sentions protégés.

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Kumadani Jizoson

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Le tronc d'Izari Matsu & photo ancienne d'Izari Matsu

DSC05925Le 12ème bekkaku, Enmeiji

Kagawa, Dōjō du Nirvana
36ème jour
Levés à l'aurore, nous nous lançons à l'assaut de l'une de nos journées les plus difficiles, à savoir l'ascension vers Unpenji, 66ème et plus haut des temples de Shikoku à 912m d'altitude. Il fait figure de 4ème et final verrou spirituel du pèlerinage, pour la préfecture de Kagawa : si nous le franchissons sans encombre, plus rien ne pourra nous arrêter. L'affaire s'annonce dure, avec plus de 800m de dénivelé à faire en moins de 5h, et la descente à effectuer dans la foulée avant la nuit. Heureusement, le téléphérique sur le flanc nord de la montagne peut nous éviter cette deuxième étape pour rejoindre directement les abords de la prochaine ville si besoin.

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Bornes de pierre anciennes indiquant la direction à suivre

DSC05961Vue sur Imabari

DSC05965Avant de monter vers Unpenji, un panneau indique la direction de la célèbre vallée d'Iya (que nous n'aurons finalement pas faite)

Deux chemins s'offrent à nous : nous choisissons celui de Sano. L'ascension commence au plus mal, sous une pluie qui se transforme rapidement en neige, mais si le sentier est assez mauvais au début, il n'est vraiment difficile que sur environ 2km. Par la suite, on rejoint la route goudronnée qui suit la ligne de crête avant de recouper à travers les bois pour l'ascension finale. La neige s'est déjà arrêtée de tomber, mais tout est recouvert d'un fin manteau blanc. Une fois au sommet, on prend tout juste le temps de mettre nos vestes de henro et d'aller prier vite fait pour s'échapper au plus vite, car il fait -2°C et le vent fort et pénétrant qui s'est levé nous glace jusqu'aux os.

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DSC05971Unpenji, dernier verrou spirituel du pèlerinage

Le choix est vite fait entre la marche et le téléphérique, surtout que son bâtiment est chauffé. On nous y offre une tasse d'infusion de matsutake très originale, qui nous convainc d'en acheter une boîte. La descente en téléphérique offre des vues magnifiques sur la plaine côtière parsemée de monts qui nous attend de l'autre côté.

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DSC06000Daikoji, le temple 67

Nous avons le temps de visiter le temple 67 puis, dans l'incertitude sur l'endroit de notre bivouac, nous marchons encore plusieurs km de nuit avant de nous résigner à camper à côté d'une hutte trop petite en pleine ville.
37ème jour
Après une visite aux trois temples de la ville, et avoir contemplé d'en haut une pièce de monnaie gigantesque sculptée dans le sable censée porter bonheur, nous passons la journée à nous rapprocher de Zentsuji Gogaku, les 5 monts sacrés de la jeunesse de Kūkai.

DSC06011Kannonji, temple 69

DSC06016ALa pièce de sable monumentale du parc de Kotohiki apportant la bonne santé à ceux qui la contemplent

DSC06017Motoyamaji, temple 70

De loin, les formes arrondies du Hiage, du Nakayama et du Gahaishi ont quelque chose de magnétique. Toute la zone bénéficie d'un rayonnement assez unique par rapport au reste du pèlerinage en raison du folklore qui l'entoure : au temple 73, on peut apercevoir la falaise d'où Kūkai enfant se jeta en exhortant Shaka Nyorai de l'aider à diffuser le bouddhisme. Suite à l'épreuve de la veille, on a réservé une chambre dans un love hôtel situé non loin de là pour un prix imbattable de 3800y la nuit. On n'est sûrement pas les premiers henro à s'y arrêter : à ce prix là ça ne se refuse pas et il faut dire que niveau espace et confort c'est tout bonnement trois fois mieux que n'importe quel business hôtel standard.

DSC06025AL'architecture au goût douteux du love hotel, en bord de voie rapide

DSC06040Vue sur la plaine et les Zentsuji Gogaku depuis le haut du temple 71, Iyadaniji

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Shusshakaji, temple 73 et la légende de l'enfance de Kūkai

38ème jour
Nous voici arrivés au point névralgique du pèlerinage, Zentsuji, 75ème temple et lieu de naissance de Kūkai. La ville alentour du même nom s'est développée  à la suite de sa fondation afin de répondre aux besoins des foules de pèlerins. Si les terrains du temple sont particulièrement vastes, la ville en elle-même n'a rien de spécial. Nous y visitons madame Akiko, qui du haut de ses 81 ans a encore la pêche et une foule d'histoires à raconter sur le pèlerinage et la vie du Daishi. Elle a à son actif la traduction en anglais d'un livre sur le saint homme, Kūkai the Universal, et en conséquence parle étonnamment bien la langue. Construite par son grand père, la maison a littéralement vu passer des générations de henro et fait toujours office de zenkonyado ; nous y passerons la nuit seuls.

DSC06071La maison de madame Akiko

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Zentsuji, temple 75
39ème jour
La journée d'ascension d'Unpenji nous a laissé des séquelles non négligeables et l'évolution des températures n'allant pas à notre avantage, nous brisons notre résolution d'éviter les transports en commun et parcourons 12km en train dans la journée. Sans cela, si nous continuions à ce rythme nous dépasserions de loin notre objectif initial qui était de finir le pèlerinage d'ici 4 jours. Quoi qu'il en soit, passer une semaine de plus sur les routes dans ces conditions devient trop compliqué.
Passé le temple 80, un Kokubunji (temple financé à l'origine par le gouvernement impérial), nous rentrons dans la dernière ligne droite alors qu'il nous reste moins de 10 temples à faire dans cette préfecture de Kagawa où ils sont très rapprochés. Nous posons la tente à côté de celle d'un Japonais sous un abri le long du sentier qui monte vers le plateau de Goshikidai surplombant la ville.

DSC06106Le Kokubunji (n°80)

DSC06109Vue depuis notre site de bivouac sur les pentes du Goshikidai

40ème jour
Le trail qui court sur le plateau, classé site historique national, est très sauvage et donne un aperçu très différent des routes goudronnées habituelles de à quoi pouvaient ressembler les sentiers du pèlerinage à peine un siècle en arrière. À l'approche du temple 81, une stèle de pierre ancienne marque le début de la zone sacrée où tout le monde était tenu de mettre pied à terre, roturiers comme aristocrates. Près du temple est édifiée la tombe de l'empereur Sutoku, révéré par crainte de son esprit vengeur après avoir été exilé puis assassiné par son entourage. Le temple suivant est le théâtre d'une autre légende, celle de l'ushi-oni, un démon cornu qui terrorisait les environs. Sa statue à côté de la porte est très réussie. Cet endroit fut pendant longtemps un lieu d'entrainement ascétique réputé.

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Shiromineji, temple 81

DSC06126Le trail historique sur le Goshikidai

DSC06131Hutte n°51 du Goshikidai

DSC06132Statue de l'ushi-oni

DSC06133Negoroji, temple 82

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Arrivée sur Takamatsu

Ce jour-là, nous arrivons dans la ville de Takamatsu proprement dite, notre dernière sur la liste des 4 villes les plus importantes de Shikoku. Nous décidons de finir la randonnée de nuit pour atteindre notre objectif de camper près du Yashimaji, le temple 84, d'où la vue sur la ville est imprenable. La montée nocturne se fait facilement sans lumière car pavé tout du long et éclairé avec les lumières de la ville. Le vent nous semble très froid, heureusement notre tente nous offre un précieux refuge.

DSC06167Vue nocturne de Takamatsu

DSC06173Sanctuaire dédié aux tanuki, qui auraient guidé la construction du temple

DSC06175Yashimaji, temple 84

41ème jour

DSC06176Le jour se lève sur Takamatsu

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Seulement 3 temples nous attendent encore avant de terminer notre quête à Okuboji. Les deux premiers, Yakuriji et Shidoji, nous surprennent l'un pour son cadre majestueux l'autre pour son jardin luxuriant. Près de là, nous avons tout juste le temps de manger un bol de Sanuki udon avant de sauter dans un bus pour l'avant dernier temple.

DSC06191Yakuriji, temple 85

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DSC06197 La descente va être rude

DSC06206Shidoji, temple 86

DSC06213Jardins du Shidoji

DSC06218Nos premiers Sanuki udon, spécialité locale de la préfecture de Kagawa, dont la recette aurait été rapportée de Chine par Kūkai. On peut en déguster dans tout le Japon dans les restaurants de la chaîne Hanamaru

DSC06222ADernière étape avant Okuboji, le dernier temple !

Quelques km plus loin, sur la rive d'un lac de barrage se dresse le Maeyama Ohenro Koryu Salon, un bâtiment dédié au pèlerinage où il est possible de faire halte et d'admirer une collection d'objets bien plus intéressante que celle du musée d'Ehime. On vous y édite gratuitement et de façon anticipée un certificat nominatif d'accomplissement du pèlerinage. Un employé ouvre un porte-vues garni de photos avec lequel il prend le temps de nous détailler le parcours restant jusqu'à l'ultime temple. Ce moment nous met un peu dans l'embarras et réussit presque à nous convaincre de finir l'étape dans les règles, mais la perspective du retour à pied jusqu'à Tokushima qui doit s'ensuivre nous conforte finalement dans l'idée de prendre le bus.

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DSC06241Ancienne tradition unique à Shikoku de collecter des osamefuda pour les enfermer dans des ballots suspendus à la charpente de la maison afin de la protéger. C'est en les rouvrant que les chercheurs ont découvert le plus ancien osamefuda connu (en cuivre, de 1650)

DSC06242Ancien osamefuda dédié à Inari

42ème jour - dernier jour
Nous sommes arrivés devant Okuboji en bus la veille au soir et avons posé notre tente juste devant l'entrée du dernier temple mais nous avons attendu les premiers rayons du soleil pour conclure notre périple qui s'achève loin des foules, dans le calme du petit matin troublé uniquement par le manège des commerçants ouvrant boutique.

DSC06244Okuboji, 88ème et ultime temple !

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DSC06253Lieu d'exposition des bâtons des pèlerins ayant terminé leur pèlerinage ici

Malgré l'épuisement, notre coeur se serre à l'idée de tirer un trait sur ce quotidien que nous avons appris à aimer et de devoir tourner la page de cette belle histoire que nous avons patiemment écrite pendant ces 42 jours intenses, un pas après l'autre. Du bâton, que nombre de henro laissent traditionnellement à Okuboji, nous serons incapables de nous débarrasser car il est trop chargé de souvenirs, portant sur lui les marques de nos joies et nos peines, et cristallise la présence de Kōbō Daishi que nous voulons garder à nos côtés.
Le pèlerinage est une boucle que l'on peut commencer, en théorie, où on veut. Pour clore la nôtre, nous retournons à Tokushima au Ryozenji, où nous avons commencé notre périple. 18km nous sépare du temple 88 de notre logement airbnb que nous avons pris pour 3 nuits. Nous irons par la suite au temple 1.

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Photos pêle-mêle de paysages, de légumes en libre service, d'Osettai lors de notre retour à Tokushima

DSC06273 Photo souvenir de notre achévement du pèlerinage de Shikoku au temple 1 Ryozenji avec les tampons sur nos vestes qui reflètent le chemin parcouru

Avec 1170km au total parcourus dont 810km à pied en 42 jours, nous finissons ce périple qui restera gravé dans nos coeurs. Nous le terminons avec émotion, presque tentés de recommencer la boucle mais nos corps nous appellent au repos. C'est un bon mois qu'il nous faudra pour récupérer des courbatures. Nous avons su nous surpasser et nous sommes très fiers de cet accomplissement. Nous en garderons un respect pour le bouddhisme et une profonde affection pour Kukai. A refaire définitivement ! 

Voir l'album photos complet ici
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Commentaires
G
Bravo pour cette longue marche, j'espère que vous en avez reçu tout ce que vous en espériez et encore un peu plus<br /> <br /> je vous embrasse<br /> <br /> Gwenola
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